Nouveau modèle de propagation des maladies infectieuses : Mieux prédire les épidémies
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Nouveau modèle de propagation des maladies infectieuses : Mieux prédire les épidémies

23/01/2025 Empa

« Tes amis ont plus d'amis que toi », écrivait le sociologue américain Scott Feld en 1991. Le « paradoxe de l'amitié » de Feld affirme que les amis de n'importe quelle personne ont en moyenne plus d'amis que la personne elle-même. Ce principe repose sur un calcul de probabilité simple : les personnes bien connectées ont une probabilité plus élevée d'apparaître dans le cercle d'amis des autres. « Si l'on considère le cercle d'amis d'une personne quelconque, il est très probable que l'on trouve dans ce cercle des personnes très bien connectées avec un nombre d'amis supérieur à la moyenne », explique Ivan Lunati, chercheur à l'Empa et directeur du laboratoire « Computational Engineering ». Un principe similaire a servi de base à Ivan Lunati et son équipe pour un nouveau modèle mathématique permettant de prédire plus précisément l'évolution du nombre de cas pendant une épidémie.

Mais quel est le rapport entre les cercles d'amis et les maladies infectieuses ? « Plus une personne a de contacts, plus elle peut contaminer de personnes lors d'une épidémie », explique Ivan Lunati. Or, les modèles épidémiologiques traditionnels partent du principe que chaque personne infectée contamine en moyenne le même nombre d'autres personnes au cours de l'épidémie. Ce nombre est appelé nombre de reproduction (R). Si R est supérieur à un, le nombre de cas augmente de manière exponentielle ; si R est inférieur à un, il diminue.

Bien entendu, ce modèle est simplifié : « Le nombre de cas ne peut pas augmenter indéfiniment, car la population n'est pas infiniment grande », dit Ivan Lunati. Selon le chercheur, la croissance exponentielle fulgurante a surtout lieu au début d'une vague. Avec le temps, il y a de moins en moins de personnes qui peuvent encore être infectées, la valeur R diminue donc et la croissance de l'infection ralentit jusqu'à ce qu'il y ait finalement un pic d'infection et que le nombre de cas commence à nouveau à baisser – une courbe que la plupart des gens connaissent bien après la pandémie du Covid.

Pas une infinité de « superspreaders »

Cette courbe d'infection peut être calculée à l'aide de méthodes mathématiques afin de prédire son pic. Si l'on part du principe que chaque personne infectée en infecte autant d'autres, le modèle diverge toutefois des vagues d'infection mesurées empiriquement. Il est certes capable de reproduire correctement le début de la vague, mais plus tard, la vague d'infection diminue plus rapidement que prévu, de sorte que le pic est finalement un peu plus bas que dans le calcul du modèle – et ce même si aucune nouvelle mesure de protection n'influence l'évolution de l'infection.

En collaboration avec Hossein Gorji, chercheur à l'Empa, et Noé Stauffer, doctorant à l'Empa et à l'EPFL, Ivan Lunati s'est posé la question suivante : comment rendre de telles prévisions plus précises ? Sa réponse présente des parallèles avec le paradoxe de l'amitié. « Les personnes qui ont beaucoup de contacts sociaux se contaminent particulièrement vite et en contaminent à leur tour beaucoup d'autres », explique Ivan Lunati. Les chercheurs qualifient ces personnes de « hubs » ou de « superspreaders ». Au début d'une vague d'infection, ce sont surtout eux qui favorisent l'augmentation du nombre de cas. Le nombre de ces superspreaders dans la société est toutefois relativement faible. Une fois qu'ils sont tous infectés – ce qui arrive relativement vite en raison de leurs nombreux contacts –, la propagation de la maladie ralentit. Les modèles traditionnels, basés sur le nombre de reproduction R, ne tiennent pas compte de ce ralentissement.

Dans une étude publiée récemment dans le « Journal of the Royal Society Interface », Hossein Gorji, Noé Stauffer et Ivan Lunati proposent donc d'utiliser une « matrice de reproduction » au lieu du nombre de reproduction. Cette matrice indique à quelle vitesse les différents groupes de population sont infectés et tient ainsi compte de l'hétérogénéité de la société. « Nous voulions aller au-delà de l'interprétation simplifiée de l'indice de reproduction R et mieux saisir la complexité des vagues épidémiques réelles », explique Hossein Gorji, « la matrice de reproduction nous permet de prédire plus précisément la propagation de la maladie en tenant compte à la fois de la non-linéarité et de l'hétérogénéité, qui sont souvent négligées dans les modèles traditionnels ». Le projet de recherche a été soutenu par le Fonds national suisse (FNS).

Aussi pour d'autres réseaux

Pour définir cette matrice de reproduction, les chercheurs se sont basés sur des données provenant d'autres études. Pour leur modèle, ils ont divisé la société en groupes selon l'âge. En moyenne, ce sont les personnes âgées de 10 à 25 ans qui ont le plus de contacts. « Cette répartition en groupes est bien sûr une généralisation », explique Ivan Lunati. « Notre modèle suppose par exemple que les superspreaders sont répartis uniformément dans tout le pays. Pour les petits pays, cette hypothèse ne pose guère de problème. Mais pour les grands pays, nous devrions également tenir compte de la répartition géographique de la population et savoir en outre combien de contacts les régions ont entre elles. »

Les chercheurs ont testé leur nouveau modèle avec les données Covid de la Suisse et de l'Écosse, deux pays relativement petits. Ils ont pu montrer que la matrice permettait des prédictions beaucoup plus précises des pics d'infection. « Bien sûr, notre modèle est lui aussi très simplifié », explique Ivan Lunati. Mais la force du modèle matriciel réside justement dans sa simplicité : « Il est très facile à appliquer, mais en même temps beaucoup plus réaliste que la valeur R seule ».

L'utilité du nouveau modèle ne se limite pas aux épidémies : Il peut être utilisé dans différents systèmes – à chaque fois que des objets se propagent via un réseau. Les chercheurs souhaitent ainsi l'utiliser à l'avenir pour simuler la propagation de points de vue, d'opinions et de comportements dans une société – par exemple lorsqu'il s'agit de l'adoption de nouvelles technologies ou d'un mode de vie durable.
H Gorji, N Stauffer, I Lunati: Emergence of the reproduction matrix in epidemic forecasting; Journal of the Royal Society Interface (2024); doi: 10.1098/rsif.2024.0124
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  • La courbe calculée au moyen d'une « matrice de reproduction » (en turquoise) reflète la situation réelle de l'infection (en noir) de manière beaucoup plus précise que les modèles précédents (en jaune et en bleu). Graphique : Empa
23/01/2025 Empa
Regions: Europe, Switzerland
Keywords: Health, Covid-19, Medical, Applied science, Technology

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